Agnès Becquart, coach certifiée pour l’association Nouveau Souffle, anime des groupes d’entraide entre aidants au sein des Centres locaux d'information et de coordination (Clic) et du centre de lutte contre le cancer Henri Becquerel à Rouen. 

Qu’apporte la technique du codéveloppement et quelle est la différence avec l’accompagnement d’un psychologue ? 

Lors des groupes d’entraide, nous utilisons l’intelligence collective en étant orientés « solutions ». Notre but, en tant que coach, est de clarifier la situation de l’aidant, de lui permettre de prioriser ses besoins et de relancer un élan vital, tandis que l’objectif du psychologue est vraiment thérapeutique. Le processus de coaching, très cadré, est le suivant. Il y a une première partie d’écoute active, chacun des 8 participants ayant quelques minutes pour se présenter. Au total, une heure sera consacrée aux problématiques de chacun sur l’ensemble du cycle ( 4 séances de 2 heures). Le coach pose ensuite une question de fond qui va permettre à l’aidant de cibler son besoin précis et de formuler comment le groupe va pouvoir l’aider. Nous sommes là pour rebondir, pas pour nous appesantir sur ce qui est lourd. Alors que l’aidant peut être submergé par ses problèmes, il va exprimer ce qui lui pèse le plus, qu’il s’agisse de son épuisement à aider son proche malade chronique depuis des années, du choix difficile d’un placement de son parent en Ehpad, des relations compliquées avec son proche qui devient manipulateur ou de son incapacité à prendre soin de sa santé et à programmer une intervention chirurgicale nécessaire. Nous utilisons un questionnement guidé, avec des petits exercices pratiques tels que la visualisation ou la reformulation, que ce soit en présentiel ou en visio. 

 “La dynamique de groupe est forte, stimulante et efficace”

Quelles solutions peuvent-elles émerger au sein de ces groupes d’entraide ? 

Une personne, qui s’occupait de sa mère âgée en situation de dépendance, se sentait dans une impasse, alors que la situation devenait de plus en plus critique, sa mère faisant des chutes régulières. Il lui était impossible d’envisager d’installer sa mère dans un Ehpad. Le groupe a permis de faire émerger la solution d’un accueil de jour une journée par semaine et de l’orienter vers différents dispositifs de relayage, sur la plateforme « Ma Boussole Aidants ».  Une autre femme m’a dit récemment avoir repris le contrôle de sa vie, en ayant recommencé les cours de peinture qu’elle aimait tant, encouragée par les autres aidants. En tant que coach, je suis là pour dire : « OK, mais on commence quand, comment allez-vous vous y prendre concrètement et pouvez-vous m’envoyer un message quand vous aurez appelé le professeur d’arts plastiques ? ». Le coaching collectif aide à faire le premier petit pas et à relancer l’élan vital ! Lors de ces séances, nous réfléchissons ensemble, en passant toujours par le questionnement, en refusant les « il faut que », ou les jugements. Les questions des autres membres du groupe sont très pertinentes et ajustées, étant donné qu’ils vivent souvent des situations similaires. La dynamique de groupe est forte, stimulante et efficace. 

Le coaching collectif, dites-vous, aide aussi à valoriser les compétences des aidants. Pourquoi ? 

Souvent, pour la première fois, les aidants se rendent compte que ce qu’ils vivent au quotidien leur a permis d’acquérir une expérience qu’ils peuvent mettre au service des autres.  Ils  prennent conscience de certaines choses qui leur paraissaient normales et de leurs nombreuses aptitudes  : patience, courage, persévérance, capacité à prendre des décisions éclairées dans l’urgence, organisation, prévention des risques, notions médicales, empathie, écoute… L’émulation collective et le climat de confiance renforcent l’estime de soi et l’état d’esprit positif. Ces espaces de parole créent du lien et brisent l’isolement. Aux aidants qui hésiteraient à s’inscrire à un groupe d’entraide, je dis : « Sachez que vous n’êtes pas seul et que vous avez le moyen de changer les choses concrètement ! »